Cas clinique n°14

Lithiases urétérales et pyonéphrose chez un chat de 8 ans

Dr Justine GALAND - Vétérinaire

Dr Justine GALAND

Dr Justine GALAND Vétérinaire
Biographie

News Letter n°14 - Décembre 2020


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1. Commémoratifs et anamnèse 

Lili est un chat européen femelle stérilisée âgée de 8 ans présenté en consultation pour amaigrissement, dysorexie et abattement depuis quatre jours.

  • Lili est un chat européen femelle stérilisée âgée de 8 ans présenté en consultation pour amaigrissement, dysorexie et abattement depuis quatre jours.
  • Elle vit en appartement, elle est vaccinée et régulièrement vermifugée tous les six mois. Elle a une alimentation sèche de bonne qualité.
  • Les propriétaires rapportent une augmentation de prise de boisson sans pouvoir la quantifier et ils ont noté la présence de quelques vomissements la veille.
  • Aucun antécédent médical n’est rapporté.

2. Examen clinique

  • La chatte est cachectique et abattue. Elle présente une déshydratation estimée à 5%. Sa palpation abdominale est souple. Le reste de l’examen clinique est dans les normes. 
  • Les constantes de l’animal sont détaillées dans le tableau 1.

Poids 2.5 kg
Note d'état corporel  1/5
Température rectale 38,8°
Fréquence cardiaque 160 bpm
Fréquence respiratoire 28 mpm

 

3. Synthèse amanestico-clinique

Nous sommes face à une chatte européenne femelle stérilisée de 8 ans présentant un abattement, un amaigrissement, une dysorexie, une déshydratation, des vomissements et une polyurie et une polydipsie suspectée.

4. Hypothèses diagnostiques

La clinique de Lili est peu spécifique : on peut émettre plusieurs hypothèses : 

  • Une affection rénale/post rénale : Maladie rénale chronique, obstruction urétérale, pyélonéphrite
  • Hyperthyroïdie
  • Processus néoplasique
  • Pancréatite chronique
  • Diabète sucré

5. Examens complémentaires

  • Le bilan biochimique sanguin met en évidence une azotémie, une hypokaliémie modérée, une hypochlorémie et une hyponatrémie discrètes.
  • Les résultats sont présentés dans le tableau 2.
Paramètres (unités) Lili Valeurs usuelles
Creatinine (µmol/L) 161 70.2-212.2
Urée (mmol/L) 25.9 5.6-12.6
Glycémie (mmol/L) 12.1 4.11-8.82
Phosphatases Alcalines (UI/L) 15 14-111
Alanine Amino Transférase ALAT (UI/L) 43 12-130
Albumine (g/L) 31 23-39
Protéines totales (g/L) 78 57-89
Globuline (g/L) 47 28-51
Na (mmol/L) 144 150-165
K (mmol/L) 2.9 3.5-5.8
Cl (mmol/L) 109 112-129
Na/K 50  
Symmetric DiMethyl Arginine (SDMA) (µg/dL) 25 0-14
T4 (nmol/L) 16 10-60

Tableau 2 : résultats des paramètres biochimiques sanguins à l’admission de Lili

 

La numération et formule sanguine montre une discrète neutrophilie et une lymphopénie. Les résultats sont présentés dans le tableau 3.

Paramètres (unités) Lili Valeurs usuelles
Globules rouges (10^12/L)     8.09 5,55-8,5
Hématocrite (%)     36.8 37-55
Hémoglobine (g/dL) 12.4 12-18
Volume Globulaire Moyen (fL) 45.4 60-77
Taux corpusculaire Moyen en Hémoglobine (pg) 15.3 18,5-30
Concentration Corpusculaire Moyenne en Hémoglobine (g/dL) 33.6 30-37,5
Réticulocytes (%) 34.4 10-110
Globules blancs (10^9/L) 16.4 5,5-16,9
Neutrophiles (10^9/L)     14.71 2-12
Lymphocytes (10^9/L) 0.3 0,5-4,9
Monocytes (10^9/L) 0.86 0,3-2
Eosinophiles (10^9/L)     0.44 0,1-1,49
Basophiles (10^9/L) 0.09 0-1
Plaquettes (10^3/mm³) 171 175-500

Tableau 3 : résultats de la numération et formule sanguine de Lili à son admission

Échographie

Une échographie abdominale est ensuite réalisée afin d’explorer l’azotémie de Lili.  

Elle met en évidence une néphromégalie du rein gauche (47 mm), avec une hydronéphrose (liquide échogène), une discrète dilatation de l’uretère gauche dans sa partie proximale et une dilatation importante dans sa partie distale, avec un uretère tortueux et un contenu échogène. Deux calculs sont visualisés dans l’uretère gauche, un dans sa partie proximal et un autre dans sa partie distale.

Le reste de l’examen ne montre pas d’anomalie.

Photo 2 : Néphromégalie gauche associée à une hydronéphrose avec un contenu échogène (flèche rouge). Longueur du rein gauche (Rein G) = 47 mm.

Photo 2 : Néphromégalie gauche associée à une hydronéphrose avec un contenu échogène (flèche rouge). Longueur du rein gauche (Rein G) = 47 mm.

Photo 3 : le rein droit est de taille normale avec une longueur de 36 mm.

Photo 3 : le rein droit est de taille normale avec une longueur de 36 mm.

Photo 4 : Dilatation importante de l’uretère gauche distal (6 mm) avec un contenu échogène. (flèche jaune)

Photo 4 : Dilatation importante de l'uretère gauche distal (6 mm) avec un contenu échogène. (flèche jaune)

Photo 5 : Calcul urétéral gauche dans l’uretère distal. (flèche jaune)

Photo 5 : Calcul urétéral gauche dans l'uretère distal. (flèche jaune)

 

L'analyse d'urine met en évidence une densité de 1.015, une hématurie (1+), une protéinurie (2+) et un pH de 7.

Une uroculture vésicale a été réalisée et elle met en évidence une infection à des Escherichia Coli sensibles à l'association de triméthoprime et de sulfaméthoxazole mais de sensibilité intermédiaire à l'amoxicilline/acide clavulanique.

 

6. Diagnostic

L’azotémie, l’analyse d’urine et les images échographiques sont compatibles avec une pyélonéphrite/pyonéphrose du rein gauche associée à des lithiases urétérales obstructives.

7. Pronostic

Le pronostic des lithiases urétérales obstructives est réservé à long terme

8. Traitement

A son admission, Lili est placée sous fluidothérapie NaCl isotonique par voie intraveineuse afin de couvrir ses besoins d’entretien et sa déshydratation. 

Une complémentation avec du chlorure de potassium à 30 mEq/L est mis en place.

Lili est pesée deux fois par jour et auscultée régulièrement pour éviter une surhydratation. 

Après la réalisation d’une analyse cytobactériologique des urines par cystocentèse, une antibiothérapie probabiliste est mise en place, à l’aide d’amoxicilline-acide clavulanique à 12.5 mg/kg deux fois par jour par voie intraveineuse. 

 

Dès réception de l’uroculture, l’antibiothérapie mise en place à l’admission est remplacée par une association de de triméthoprime et de sulfaméthoxazole (Sultrian®) à 15mg/kg deux fois par jour par voie orale pendant 2 semaines.

 

Pendant son hospitalisation, Lili reçoit de la buprénorphine (Bupaq ®) à 20 µg/kg par voie intraveineuse trois fois par jour, du maropitant (Cerenia ®) à 0.1 mg/kg par voie sous cutanée une fois par jour et un antispasmodique phloroglucinol (Spasfon ®) à 4mg/kg par voie intraveineuse.

9. Evolution et suivi

Après 24h d’hospitalisation, Lili présente une hyperthermie à 40.7°C. Un contrôle échographique  met en évidence une augmentation de la dilatation de la cavité pyélique ainsi qu’un discret épanchement dans l’espace rétropéritonéal.

Différents choix thérapeutiques sont discutés avec les propriétaires. La mise en place d’un appareil de dérivation pyélovésical est refusé par les propriétaires, une néphrectomie gauche est réalisée.

L’animal est prémédiqué avec un bolus de morphine à 0.2 mg/kg ainsi que du diazépam (Valium®, 0.2 mg/kg) par voie intraveineuse. L’induction est effectuée avec du propofol à 4 mg/kg puis un relais gazeux à l’isoflurane est instauré. En per opératoire, l’analgésie est assurée par une perfusion continue de morphine à 0,1 mg/kg/h. 

Une laparotomie xypho-ombilicale est réalisée. A l’ouverture de la cavité abdominale, un épanchement purulent dans l’espace rétropéritonéal est mis en évidence en quantité modérée.

Épanchement purulent dans la cavité rétropéritonéale lors de la laparotomie. (photo Dr Millet, clinique vétérinaire des Hutins)

Photo 6 Épanchement purulent dans la cavité rétropéritonéale lors de la laparotomie. (photo Dr Millet, clinique vétérinaire des Hutins)

Néphromégalie gauche, notez la modification de l’uretère gauche. (photo Dr Millet, clinique vétérinaire des Hutins)

Photo 7 Néphromégalie gauche, notez la modification de l’uretère gauche. (photo Dr Millet, clinique vétérinaire des Hutins)

Rein gauche incisé. Notez la fibrine et la dilatation de la cavité pyélique et de l’uretère gauche. (photo Dr Millet, clinique vétérinaire des Hutins)

Photo 8 Rein gauche incisé. Notez la fibrine et la dilatation de la cavité pyélique et de l’uretère gauche. (photo Dr Millet, clinique vétérinaire des Hutins)

Au vu de la péritonite et de la présence de pus dans la cavité pyélique, Lili présente une complication de la pyélonéphrite, une pyonéphrose associée à des lithiases urétérales obstructives.

L'analgésie post opératoire est assurée par une perfusion continue de morphine à 0,1 mg/kg/h pendant 24h puis par l’administration de buprénorphine (Bupaq®) à 20µg/kg par voie IV trois fois par jour. 

Après la chirurgie, Lili est hospitalisée pendant 5 jours. Au cours de l’hospitalisation, on maintient une fluidothérapie par voie intraveineuse adaptée à son état d’hydratation. 

 

Des contrôles réguliers de ses paramètres rénaux sont réalisés, le suivi de ces paramètres est détaillé dans le tableau 4. 

 

Quarante-huit heures après la néphrectomie, Lili est normotherme et retrouve un appétit normal. 

Elle est rendue à ses propriétaires avec poursuite du traitement antibiotique. (trimethoprime/ sulfaméthoxazole à 15 mg/jour par voie orale deux fois par jour)

 

Douze jours après la néphrectomie, Lili est en bon état général avec un appétit normal. Les paramètres rénaux sont également contrôlés et Lili présente une maladie rénale chronique avec un stade IRIS  II.

Paramètres (unités) J0 J1 J4 J14 J25
Urée (mmol/L) 25.9   13.5 11.9 12.7
Créatinine (µmol/L) 161   156 190 158
Potassium (mmol/L) 2.9 3.3 3.3    

Tableau 4 : Suivi des paramètres rénaux au cours de l’hospitalisation

Un an après cet épisode, Lili est présentée en consultation pour abattement, anorexie et une hypothermie depuis 24h. Elle présente une azotémie importante et une hydronéphrose du rein controlatéral avec visualisation de lithiases urétérales.

Les propriétaires prennent la décision d’euthanasier Lili.

10. Discussion

D’après l’étude de Kyles et al., les lithiases urétérales sont en recrudescences depuis plusieurs années chez le chat. (1)

L’âge moyen au moment du diagnostic des lithiases urétérales est de 7 ans et les chats européens représentent plus de la moitié des cas. (1,4,5)

Certaines races semblent être plus fréquemment rencontrées comme les Siamois et les Persans. (1,4)

 

Comme pour Lili, la présentation clinique est non spécifique. Les signes cliniques les plus fréquents sont une dysorexie, un abattement, des vomissements et un amaigrissement. (1,4,5)

 

Dans le cas de Lili, on a suspecté une atteinte rénale après l’analyse d’urine et l’analyse biochimique. Une SDMA a été réalisée en plus du dosage de la créatinine et de l’urée au vu du faible score corporel de Lili. 

En effet, la SDMA ne varie pas en fonction de la masse musculaire de l’animal comme peut le faire la créatinémie. (3)

 

Pour investiguer une azotémie, l’échographie abdominale est l’examen de choix bien que sa sensibilité pour diagnostiquer les lithiases urétérales soit discrètement inférieure aux radiographies abdominales (77% vs 81%). (1) En effet, l’échographie permet d’évaluer la morphologie rénale (parenchyme, taille), la cavité pyélique, les lithiases, les uretères et la présence de signes d’une obstruction urétérale. 

Selon plusieurs études, lors d’obstruction urétérale, l’échographie abdominale met en évidence une néphromégalie, une hydronéphrose et une dilatation de l’uretère et des lithiases urétérales. (1,4)

 

Dans notre cas, Lili présentait tous ces signes et avec en plus une hydronéphrose importante, la présence de contenus échogènes dans la cavité pyélique et dans l’uretère, ce qui, associé à l’hyperthermie au 2ème jour, est en faveur d’une pyélonéphrite voir d’une pyonéphrose. Cette pyonéphrose est confirmée lors de la néphrectomie.

 

La pyonéphrose est définie par la présence de pus dans les voies excrétrices dilatées avec destruction du parenchyme rénal. (5,6)

Il s’agit d’une complication rare des obstructions urétérales. Elle a rarement été décrite chez les chats.

 

Une étude récente de Cray et al. (5) a fait la description de 4 cas de pyonéphrose obstructive. Le traitement choisi a été la mise en place d’un appareil de dérivation pyélo-vésicale qui a permis de drainer le pus de la cavité pyélique en réalisant fréquemment des lavages pyéliques. Un chat a eu l’appareil de dérivation pyélo-vésical obstrué par du pus ce qui a nécessité de changer d’appareil. L’hydronéphrose et l’infection urinaire ont été résolues chez 2 chats sur 4, un chat a continué d’avoir une bactériurie mais sans symptômes et le dernier a été euthanasié 60 jours après la chirurgie. Deux chats étaient encore vivant 1.5 ans et 2.5 ans jours après la chirurgie, le 3ème chat a été euthanasié 1.5 ans après la chirurgie.

 

La pose d’un appareil de dérivation pyélo-vésicale a été refusée par propriétaires, une néphrectomie a été réalisée à la place.

 

La néphrectomie n’est pas un traitement de premier choix car dans 76 % des cas le rein controlatéral de l’obstruction urétérale présente déjà des signes de néphropathie qui expose l’animal à une maladie rénale dans un futur proche. (1,4)

 

Il n’existe pas de donnée dans la littérature pour donner un pronostic précis aux propriétaires dans le cas de Lili.  Cependant, on peut dire que le pronostic des obstructions urétérales est réservé à long terme à cause du risque de lithiases urétérales obstructives du rein controlatéral. 

 

Un an après, un nouvel épisode a lieu et au vu des valeurs rénales et de l’état général du chat à l’admission, les propriétaires ont la pris la décision d’euthanasie. 

11. Cliniciens impliqués dans la prise en charge de ce cas

Admission du cas Dr Justine Galand
Hospitalisation, suivi, examens sanguins Dr Justine Galand, Dr Lise Pilod
Chirurgie Dr Mathilde Millet (ECVS)
Echographie abdominale Dr Justine Galand
Uroculture Dr Beurlet (Vebio)

Bibliographie

Dr Beurlet (Vebio)1. Kyles AE, Hardie EM, Wooden BG, Adin CA, Stone EA, Gregory CR et al. Clinical, clinicopathologic, radiographic, and ultrasonographic abnormalities in cats with ureteral calculi: 163 cases (1984–2002). J Am Vet Med Assoc. 2005; 226: 932–936.

 

2. Kyles AE, Hardie EM, Wooden BG, Adin CA, Stone EA, Gregory CR et al. Management and outcome of cats with ureteral calculi: 153 cases (1984–2002). J Am Vet Med Assoc. 2005;226:937–944.

 

3. Relford R, Robertson J, Clements C. Symmetric dimethylarginine improving the diagnosis and staging of chronic kidney disease in small animals. Vet Clin Small Anim. 2016; 46: 941– 960.

 

4. Lamb CR, Cortellini S, Halfacree Z. Ultrasonography in the diagnosis and management of cats with ureteral obstruction. J Feline Med Surg. 2018, Vol. 20(1) 15–22.

 

5. Cray M, Berent AC, Weisse CW and Bagley D. Treatment of pyonephrosis with a subcutaneous ureteral bypass device in four cats. J Am Vet Med Assoc. 2018;252:744–753.

 

6. Kuntz JA, Berent AC, Weisse CW, Bagley DH. Double pigtail ureteral stenting and renal pelvic lavage for renal-sparing treatment of obstructive pyonephrosis in dogs: 13 cases (2008-2012). J Am Vet Med Assoc. 2015 Jan 15;246(2):216-25.

7, avenue Napoléon III

 

F-74160 St Julien en Genevois

 

Tél. : 04 50 49 14 12

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