Cas clinique n°7

Cas clinique de malpropreté urinaire chez un chat.

Dr Lucille LAMBINET - Vétérinaire

Dr Lucille LAMBINET

Dr Lucille LAMBINET Vétérinaire
Biographie

News Letter n°7


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1. Anamnèse et commémoratifs

Saphyre chatte européenne stérilisée de 2 ans

La malpropreté urinaire est un motif fréquent de consultation chez le chat qui peut mener à l’euthanasie. Si en identifier l’origine est aisé et courant en consultation vétérinaire, lorsque cette malpropreté est comportementale, le praticien devra conseiller le propriétaire, lui faire comprendre les besoins du chat, et préconiser des aménagements nécessaires au bien-être de son chat.

Saphyre, une chatte européenne stérilisée de 2 ans est présentée en consultation pour malpropreté urinaire. Cette malpropreté urinaire a débuté 2.5 mois après son adoption. (il y a 2 ans).  La chatte urine sur le lit et sur le canapé des propriétaires.  La fréquence des malpropretés augmente depuis 2 mois (suite à un déménagement provisoire) : les malpropretés sont désormais quotidiennes.

La mise en place de phéromones de synthèse (Feliway) n’a eu aucun effet.

Les propriétaires rapportent que Saphyre a chuté du balcon à l’âge de 4 mois avec pour conséquence par un pneumothorax et une fracture du tibia distal droit aujourd’hui cicatrisés.

2. Examen clinique

Saphyre est en bon état général. Sa température rectale est de 38,7 °C et son score d’état corporel est évalué à 3/5.  La vessie est de petite taille, aucune douleur n’est mise en évidence lors de l’examen et aucune anomalie n’est constatée à l'examen dermatologique et neurologique.

3. Questionnaire comportemental

Saphyre apparait comme une chatte très active, téméraire et joueuse, assez exploratrice et familière des humains. Elle est issue du milieu extérieur, et a été adoptée à 3 mois. Elle vit depuis son adoption en appartement sans accès extérieur avec ses propriétaires, sans autres animaux. Elle bénéficie d’une alimentation industrielle à volonté et ne présente pas de polyuropolydipsie. Elle a quelques jouets dans l’appartement, mais peu d’aménagements. Elle a essayé plusieurs fois de fuguer. Elle aime regarder par la fenêtre et cherche à sortir.

Son aire d’élimination consiste en un bac à litière fermé dans la pièce de vie, avec de la litière agglomérante, elle y fait des selles et des urines tous les jours. La caisse est nettoyée une fois/semaine.

Les malpropretés urinaires sont décrites une fois/ jour sur le lit des propriétaires ou sur le canapé. Il s’agit de flaques d’urines sans traces de sang. Les propriétaires ont déjà puni Saphyre lors de constat de malpropreté.

Saphyre ne manifeste pas de malpropreté lorsqu’elle est gardée chez les parents de sa propriétaire où elle a un accès extérieur.

4. Examens complémentaires

Une échographie génito-urinaire et une analyse d’urine récoltée par cystocentèse sont réalisées

•        DU 1,050. pH5. Pas de culot urinaire.

Aucun signe d’infection urinaire ni lithiase n’est mis en évidence.  La densité urinaire est correcte.

5. Diagnostic

La description des malpropretés nous indique qu’il s’agit ici d’éliminations urinaires inappropriées et les examens complémentaires et l’examen clinique nous permettent d’en exclure les causes médicales  (PUPD, infection urinaire, lithiase, douleur).

La cause des malpropretés est donc comportementale, l’origine est probablement une aire d’élimination inappropriée chez un chat vivant en milieu clos peu enrichi et au tempérament actif qui manifeste un grand besoin de sortie (inadéquation des besoins du chat).

La description des malpropretés urinaires

6. Traitement comportemental

a.  Amélioration de l’aire d’élimination :

  • Ajout d’une litière. Dans un endroit calme
  • Changer pour des bacs à litière ouverts.
  • Augmenter la fréquence de nettoyage de la litière : tous les jours.
  • Rendre aversifs les lieux d’élimination inappropriés : à l’aide de couvertures de survies… nettoyage savon noir+ vinaigre blanc
  • Fermer l’accès à la chambre si possible

b.      Enrichissement de l'environnement

Placer des cachettes pour Saphyre (cartons, sacs de voyage au sol)et des étagères ou elle peut grimper/ sauter/ se coucher. Frotter les arbres à chats avec un peu d’huile d’olive pour l’y attirer.

  • Placer des jouets qui bougent tout seuls : plumes qui volent, petits robots automatiques, ficelles suspendues, jouets automatiques. Les jouets avec de l’herbe à chat peuvent aussi être intéressants.
  • Aménager le balcon avec des espaces en semi-hauteur et des jeux pour Saphyre.
  • Utilisation du spray Petscool
  • Placer une partie de la ration de croquettes ou des friandises dans des balles distributrices de croquettes type Slimcat ou des tables d’activités type Funboard.
  • Dès que c’est possible, laisser sortir Saphyre

c.      Eviter les punitions qui sont sources de stress

7. Evolution

Un mois plus tard, suite à la mise en place de deux litières nettoyées tous les jours et des sorties sur la terrasse aménagée associées à la mise en place d’espace de jeux en hauteurs et de jouets distributeurs de croquettes, les propriétaires constatent que Saphyre est plus apaisée, plus calme et la fréquence des malpropretés a diminué.

Deux mois plus tard, les problèmes de malpropretés sont résolus et les propriétaires envisagent un déménagement en maison avec jardin.

8. Discussion

Lors de malpropreté urinaire chez le chat, le praticien devra en premier lieu savoir différencier les deux types d’émission d’urine chez le chat : l’élimination et le marquage. Il faut alors demander au propriétaire un plan de l’environnement et une description précise des lieux de malpropreté et de l’anamnèse.

Élimination urinaire inappropriée Marquage urinaire  
Dans des endroits souvent isolés Visibles  
Grandes quantités Petites quantités "spots"  
Sur une surface horizontale Sur une surface verticale  
Posture accroupie, queue horizontale et enfouissement Posture debout, queue verticale  
Changements dans l'usage de la litière Usage habituel de la litière  

Le marquage urinaire ou « spraying » est un comportement normal chez le chat qui intervient dans la communication féline, il peut être également réactionnel. Il semble plus souvent associé à la vie en communauté, chez les chats mâles âgés vivant en intérieur.

Lors de marquages urinaires à l’intérieur, il faut bien localiser les spots de marquage, rechercher les conflits entre chats, les nouveaux objets dans la maison…

Lors de « spraying », il faut donc s’intéresser dans l’environnement du chat aux éléments suivants : surpopulation, nouveaux objets dans la maison, conflits avec chat de l’extérieur, chats entiers…

Une fois le diagnostic d’élimination urinaire inappropriée posé, il convient de réaliser un examen clinique complet afin d’exclure tout problème médical chez le chat.

Il faut en effet rechercher les causes de polyuro-polydipsie, l’incontinence urinaire ou des lésions neurologiques, les cystites, des douleurs articulaires.

Il faudra penser à vérifier l’état du pelage également, particulièrement sous le ventre : la présence d’un hypertoilettage sur le bas ventre peut-être le reflet d’une douleur vésicale.

Les examens complémentaires de choix sont l’analyse d’urine et la densité urinaire et l’échographie génito-urinaire, ainsi que le bilan sanguin selon les résultats de l’analyse d’urines.

Enfin lorsque les causes médicales d’élimination urinaire inappropriées sont exclues, on peut conclure à une origine comportementale :

  • Aversion pour la litière : peur, nettoyage inadéquat, bac ou substrats inappropriés

  • Préférences pour un autre substrat (tissu...)

  • Inadéquation des besoins, Anxiété, stress (surpopulation…)

Si l’élimination inappropriée est d’origine comportementale, il faut expliquer aux propriétaires les besoins fondamentaux du chat nécessaires à son bien-être.

 

Aparté sur les hypothèses diagnostiques lors d’élimination urinaire inappropriée :

 

Causes médicales :

  • Pupd

  • Infection urinaire

  • Lithiase

  • Douleur

Causes comportementales :

  • Aversion pour la litière ou préférence d’un substrat (i problème de litière, préférence substrat mou/meuble ?)

  • Inadéquation des besoins

Afin de conseiller et d’améliorer le bien-être des chats, l’AAFP (American Association of Feline Practitionners) et l’ISFM (International Society of Feline Medicine) ont publié en 2013 des recommandations concernant l’aménagement de l’environnement du chat disponible sur www.catvets.com. Nous évoquerons ici les idées à communiquer aux propriétaires de chats.

Conseils concernant l’aire d’élimination :

Le comportement d’élimination chez le chat débute avec du creusement avant la miction ou défécation pendant lesquelles le chats se place en position accroupie puis  se termine par un recouvrement. Le bac à litière doit être suffisamment grand pour pouvoir se retourner ( 1.5 fois la longueur du chat sans la queue). Il convient de placer N+1 litière par chat et par étage, nettoyées une fois/ jour grossièrement et une fois/ semaine en entier.

Les chats apprécient les endroits d’élimination calmes à l’abris des regards et également les substrats meubles (souvent de la terre, du sable).

Conseils concernant l’aire de repos :

Il est essentiel de fournir au chat différents endroits sûrs et au calme où il peut se reposer et  se cacher sans être dérangé, en hauteur et au sol, dans différentes pièces : accès aux étagères, arbres à chats, cartons au sol. S’il y a plusieurs chats dans la maison, chacun doit avoir un endroit de repos où il se sent en sécurité et au calme.

Concernant les jeux :

Pour son bien-être, le chat doit pouvoir jouer et prédater, il est essentiel de placer dans le lieu de vie des jeux automatiques ou qui bougent seuls (plumes/ fils). Faire jouer le chat plusieurs fois par jour est essentiel s’il vit en milieu clos.

Conseils concernant les contacts avec les humains :

Ne jamais forcer les contacts avec son chat, mais préférer les caresses de courtes durées, autour de la tête si le chat le demande.

Les interactions doivent être prédictibles et positives, le niveau de tolérance aux contacts dépend de chaque chat. Il est conseillé d’habituer doucement les chatons aux contacts humains entre 3 et  7semaines d’âge.

Dans l’environnement du chat, il faut également respecter l’odorat développé de cette espèce : toute nouvelle odeur peut perturber le chat. Placer des griffoirs sur les lieux de passages de la maison permettra au félin d’y déposer ses odeurs et de se détendre.

 

Il est également intéressant d’expliquer aux propriétaires les signaux de communication du chat et reconnaitre quand son chat est énervé en observant la position de ses oreilles, de sa queue, ses yeux.

Patte de chat

9. Conclusion

Le Vétérinaire reste le premier conseiller du bien-être animal. Il peut, par ses connaissances en comportement, établir ou rétablir le lien entre l’animal et son maitre., il est essentiel, en tant que spécialiste du monde animal, de pouvoir orienter, conseiller, donner des astuces, des références bibliographiques (même internet) pour aider le propriétaire à vivre avec son chat afin d’éviter l’abandon, issue inévitable si les malpropretés durent trop longtemps.

Bibliographie

Ellis SL, Rodan I, Carney HC, Heath S, Rochlitz I, Shearburn LD, Sundahl E, Westropp JL. AAFP and ISFM feline environmental needs guidelines.J Feline Med Surg. 2013 Mar;15(3):219-30.

 

Carney HC, Sadek TP, Curtis TM, Halls V, Heath S, Hutchison P, Mundschenk K, Westropp JL. American Association of Feline Practitioners; International Society of Feline Medicine. AAFP and ISFM Guidelines for diagnosing and solving house-soiling behavior in cats. J Feline Med Surg. 2014 Jul;16(7):579-98.

Titeux E. Comportement(s) éliminatoire(s) chez le chat : comportements normaux, comportements pathologiques ou gênants ?  Cours du CEAV de médecine du Comportement 2017

Overall. KL.Manual of clinical behavioral medicine for dogs and cats. Part III.p.319-327.360-387.

Halfon T. Gestion de la malpropreté féline La Semaine Vétérinaire n° 1739 du 09/11/2017 résumé de conférence de Sarah Heath Diplomate ECAWBM-BM, praticienne au Royaume-Uni lors du symposium organisé par Royal Canin à Montpellier (Hérault), en mars 2017.

Lassaigne C. Familiarisation et enrichissement de l’environnement du chat en milieu confiné : application à l’unité d’étude et de thérapie des myopathies (uetm) et au centre d’étude en reproduction des carnivores d’alfort (cerca). ENVA 2014. Thèse pour le doctorat médecine vétérinaire.

Chevalier A. Marquages et facteurs environnementaux chez le chat domestique. ENVA 2016. Thèse pour le doctorat médecine vétérinaire.

7, avenue Napoléon III

 

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